
Aujourd'hui, l'actualité tourne autour du départ de Fillon de la politique. C'est un exemple de la nouvelle bataille : le nouvel ordre narratif. L'enjeu n'est plus de relater des faits mais de les mettre en perspective pour construire une ... histoire. Prenons l'exemple Fillon. C'est la caricature de deux récits possibles.
Récit n°1 : grâce à son talent, il devient en 1981 l'un des plus jeunes députés de France. Puis il se range aux côtés de Philippe Seguin pour faire vivre un "gaullisme social" au sein de la droite française. En 2016, il gagne largement la primaire de la Droite mais perd l'élection suite à une cascade d'affaires montrant l'acharnement de la presse l'exposant à des suites judiciaires que pourraient connaître bon nombre d'autres leaders politiques s'ils avaient été soumis à de mêmes investigations. Il laisse son micro-parti à un héritier spirituel (Retailleau) avec un joli magot de nature à lui permettre de faire vivre les idées.
Récit n°2 : assistant parlementaire de Joël Le Theule, il gagne sur le fil l'investiture contre l'épouse de Joël le Theule quand ce dernier décède d'une crise cardiaque. Proche de Philippe Seguin, il se sépare de lui en 1995 pour soutenir Edouard Balladur quand les sondages sont alors très défavorables à Jacques Chirac soutenu par Philippe Seguin. Jacques Chirac ayant gagné la présidentielle, Philippe Seguin obtient l'intégration de François Fillon dans le Gouvernement au titre de leur amitiés passée. Mais, mécontent d'une non promotion, François Fillon quitte Chirac pour rejoindre Nicolas Sarkozy au moment où ce dernier mène une opposition interne totalement inédite contre ... Jacques Chirac. Promu à Matignon, François Fillon se présente ensuite contre celui qui l'a promu à ... Matignon scénarisant notamment les affaires de l'ex-président. Enfin, il abandonne la politique en ayant imputé à son micro-parti plusieurs millions d'euros destinés au candidat des Républicains et non pas au candidat de ce micro-parti au moment où les Républicains sont dans une situation financière précaire car très lourdement endettés.
Tous ces faits sont réels et incontestés. Mais c'est le récit qui change. Finalement, vous préférez lequel des 2 ? Le problème de l'information française, c'est qu'il devrait y avoir l'exposé des deux faces qui ne font qu'une dans la "vraie vie". Tant que l'ordre narratif sera autant sélectif, l'opinion ira de déception en déception puisqu'elle ignore la réalité complexe. En revanche, c'est très instructif sur le tempérament et les valeurs de ceux qui apportent leur soutien en connaissant les détails de cette complexité.