Lors de déplacements aux Etats-Unis, en dehors de rendez-vous programmés, nous avons eu l'occasion de rencontrer de façon totalement imprévue des responsables politiques américains. Deux de ces rencontres ont été lourdes de sens pour moi. Un soir, à Washington, après un diner avec Marie, Jonathan et Thomas, nous nous dirigeons vers une boutique de souvenirs de vieilles campagnes électorales située à côté du restaurant Old Ebbitt Grill. Et nous rencontrons John McCain. Impressionnant de simplicité, de proximité. Comme ce fut le cas quelques années plus tard à Denver où dans des circonstances quasi-identiques nous avions rencontré Gary Hart. L'équipe de McCain m'a adressé ensuite pendant des années des copies de ses publications. John McCain mène actuellement son dernier combat. Il lutte depuis l'année dernière contre un type agressif de cancer, un glioblastome, qui a été diagnostiqué après la découverte par les médecins d'une tumeur au cerveau. Il a subi dimanche une opération chirurgicale pour traiter une infection intestinale liée à une diverticulite. Les photos disponibles sont dures. Son parcours mérite l'attention.
Fils d’amiral, petit-fils d’amiral, en 1967, il est pilote d’un avion qui est abattu au-dessus d’Hanoï lors d'une mission très délicate. Il s’éjecte et se retrouve au sol dans un lac avec une jambe et deux bras cassés. Il est conduit à la prison de Hoa La. L’objectif des nord-vietnamiens est simple. Dès qu'ils s'aperçoivent qu'ils ont le fils du Commandant en Chef des Forces du Pacifique, ils veulent qu'il témoigne de son autocritique et se désigne « criminel de guerre ». Il refuse et endure 26 mois de confinement solitaire. Torturé, quand il est libéré, il ne que 45 kilos et il sera libéré en 1973. Il a été tellement torturé, pas soigné pour ses blessures, qu'il gardera à vie l'impossibilité de lever les bras au-dessus d'une certains hauteur de son corps. Mais quand McCain parlait de guerre, personne ne pouvait ni mettre en doute son courage ni son sens de l'exemplarité. Il savait ce dont il parlait. C'est le coeur du leadership. Avoir vécu ce dont on parle. A la différence de parler de sujets que l'on a jamais vécus. Parce que vivre une situation, c'est la connaître comme personne d'autres. Comme aucun livre ne pourrait l'expliquer. Si la France donne actuellement cette image terrible d'autorité disparue c'est parce que ce leadership du vécu a disparu. Dans des circonstances analogues, en France, le fils d'un Amiral aurait été exempté ou protégé dans des bureaux. Prisonnier, l'appareil d'Etat aurait été mobilisé pour négocier. Tant que cette exemplarité sur le terrain ne reviendra pas à la valeur qu'elle n'aurait jamais dû perdre, la mentalité du "tout se vaut" gagnera du terrain. Et quand "tout se vaut" c'est que plus grand chose n'a de véritable valeur.
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