La théorie du "garde-barrière" en matière d'information a été développée dès les années 50 : qui pouvait lever la barrière du droit de savoir ? C'est une théorie remarquablement schématisée et qui a servi de méthode à de nombreux gouvernants. Mike Deaver auprès de Reagan était le "garde-barrière" : il définissait le sujet du jour à faire vivre, ce qui avait été qualifié en interne de "la carte postale du jour" adressée à l'opinion publique. Alastair Campbell auprès de Tony Blair a occupé la même fonction. Avec la liberté de ton qui caractérise la démocratie britannique, Peter Stothard a rédigé une enquête sur cette méthode (30 jours au coeur du système Blair). En ce moment, l'impression désagréable de vivre en France la même méthode depuis le milieu de la semaine dernière. Jusqu'alors, c'était le défilé des médecins, infectiologues ... : la peur envahissait les plateaux TV. Tout juste si on nous a épargné la mort en direct dans une chambre d'hôpital. Mais, depuis le milieu de la semaine dernière, ces professionnels de la santé ont disparu et c'est au tour des pros du tourisme. Le "garde-barrière" a frappé. Même le point TV quotidien du Directeur Général de la Santé a été supprimé. Dans quelques jours, tout juste si le nombre quotidien des décès deviendra accessible. Sur des sujets mineurs, la manoeuvre aussi grossière peut "amuser". Sur un sujet aussi important, elle donne un gout très amer de manipulation. Un droit de savoir aussi sélectif et aussi organisé c'est une atteinte grave à la qualité même du droit de savoir. C'est ce que l'on est en train de vivre actuellement. Il est beaucoup question des gestes barrières à respecter par chacun. Une attention devrait aussi entourer la fonction du "garde-barrière" parce que notre démocratie n'est pas en train de s'honorer dans la gestion de son droit de savoir.
Commentaires