La mode est au mot "déconfiné". Pour ma part, le mot clef de l'actuelle période c'est "sidéré". C'est comme le panneau en photo ci-dessus : faut-il croire l'inscription cool sur le panneau officiel ou regarder la réalité des faits sur la route ? Et chaque jour, la liste des sujets de sidération s'allonge. L'enjeu n'est pas tant le manque de réponses. C'est surtout le manque de questions. Prendre quelques exemples concrets : 1) Le "hit parade" des pays marqués par l'échec face au Covid-19. Que signifient des chiffres déconnectés du rapport à la population ? Rien. Chaque chiffre devrait être sur un rapport par million d'habitants. Mais ce chiffre dérange en France parce qu'il casse l'américanophobie ambiante et plus encore l'anti-trumpisme galopant : à ce jour les USA c'est 247 décès par million d'habitants pour 408 en France par million d'habitants ! Voilà les chiffres. 2) Pourquoi les chiffres français par million d'habitants ne donnent-ils jamais matière à des comparaisons avec des chiffres inférieurs ? Pour rappel, France = 408 décès par million d'habitants et Allemagne = 91, Suisse = 213 : Autriche = 69 ... et la liste pourrait continuer longtemps. Comment s'expliquent ces différences ? Pourquoi ? 3) A ce niveau de questionnement, la féerie a son tour miracle : "chez nous les chiffres sont justes alors qu'ailleurs ils sont ... faux". Mais ce raisonnement a un tour supplémentaire dans la féerie : "les chiffres ailleurs ne sont faux que lorsqu'ils sont meilleurs que chez nous". Donc les chiffres sont justes en Belgique (751), en Espagne (572), en Italie (508)... 4) L'invention de la règle flexible : les rassemblements sont interdits sauf quand ils sont autorisés sans l'être expressément. C'est question d'appréciations locales. C'est comme la qualité des produits sanitaires chargés protéger face à un virus présenté comme foudroyant : les masques peuvent être confectionnés sans norme dans l'amateurisme absolu : c'est le coeur qui compte. Un masque confectionné par un amateur absolu sans la moindre norme technique protège autant que celui d'un laboratoire spécialisé : parfait ! Et la liste pourrait durer longtemps. Cette période a mis en relief que même dans une démocratie occidentale avancée passant historiquement pour le pays de la pensée, celui de la rationalité, ce sont les croyances qui ont pris le dessus. Pour les uns, le Covid-19 est ainsi devenu une création volontaire de la Chine (une forme de guerre bactériologique non avouée), pour d'autres c'est la faute des Etats-Unis, pour d'autres c'est la "nature qui se vengerait des méfaits humains" ... et les explications précises ne sont jamais données. La féerie du lundi 32 c'est le retour aux temps des croyances et sous cet angle c'est une régression qui a au moins matière à autant inquiéter que le virus lui-même. Sur la quasi-totalité des sujets, je n'ai aucune réponse si ce n'est "je ne sais pas" mais j'aimerais beaucoup qu'enfin les questions soient posées. Une bonne question reste l'étape préalable obligée à une ... bonne réponse.
toujours très pertinent. Croyez vous que l'intelligence collective ait progressé après ce lavage de cerveau intensif opéré par les médias, à longueur de journée ?
Mais soyons optimistes après une école défaillante , ne nous reste que l'optimisme et la débrouillardise, l'inventivité et l'intelligence individuelle..
Rédigé par : claire | 12 mai 2020 à 12:00
De toute statistique procède un pouvoir. Le chiffre est un enjeu de pouvoir. Le développement de la statistiquement a accompagné le développement de l’Etat.
Le terme vient d’un emprunt à l’allemand « statistik », forgé par l’économiste G. Achenwall au XVIIIe siècle à partir de statista, « homme d’Etat » en italien, désignant selon lui l’ensemble des connaissances que doit posséder un homme d’Etat. Ces « savoirs spécialisés » caractéristiques de l’Etat moderne, que sont notamment la démographie, la statistique et l’économie politique, constituent « le grand instrument de supériorité de l’administration bureaucratique », dixit Max Weber ( Économie et Société, 1921).
Rédigé par : Jean-Renaud Leborgne | 12 mai 2020 à 14:47